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Merlin malin
21 décembre 2008

L'Otan à l'heure du bilan

Dans la grande pièce théâtrale du monde, elle a longtemps interprété le premier rôle avec succès. Sa troupe s’est agrandie, son prestige aussi. Aujourd’hui, la presse critique son jeu d’acteur, et le public s’en éloigne. Entre heurs et malheurs, l’Otan peine désormais à décrocher le nouveau rôle, qui lui rendra sa gloire d’antan.

 

Actu20080319___OTANL’Otan fêtera en 2009 ses 60 ans. 60 ans d’engagement militaire, de médiation des conflits. 60 ans de grandes missions, peu à peu noircies par des crises internes sérieuses. Le futur sommet se déroulera de part et d’autre de la frontière franco-allemande, à cheval entre Strasbourg et Kehl. Il sera l’occasion de faire le point sur une organisation qui, depuis sa création en 1949, a gagné en poids mais perdu en crédibilité. Certains se raccrochent à elle, comme seule garante de la paix dans le monde. D’autres la dénigrent officiellement, de l’anarchiste « anti-otan » à la superpuissance russe. Depuis la fin de la guerre froide, l’organisation du traité de l’Atlantique Nord traverse une crise existentielle. Pour maintenir sa place entre l’ONU et  l’UE, l’Otan est condamnée à rechercher une nouvelle identité dans un contexte géopolitique en constante évolution. Peut-elle rester un acteur incontournable, tel qu’elle l’a été à sa naissance ? Sa volonté d’expansion n’a-t-elle pas terni son image ? Doit-elle répondre à de nouveaux objectifs pour redorer son blason ? Pour comprendre ces vives inquiétudes, il faut retourner au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Aux premiers jours d’une organisation solide et ambitieuse...

 

Tombée à pic !

En 1948, bien que la Grande Guerre soit terminée, les pays Occidentaux redoutent un nouveau soulèvement de l’Allemagne. A l’Est aussi, la menace soviétique se devine. Dans la crainte d’un nouveau véto soviétique à l’ONU, les Alliés européens cherchent à s’organiser avec l’aide des Etats-Unis. Le coup de Prague du 12 mars 1948 et le blocus de Berlin confirmeront la volonté européenne, d’assurer efficacement la défense de leur territoire. Le 4 avril 1949, douze démocraties se retrouvent à Washington pour signer le Traité de l’Atlantique Nord, destiné avant tout à contenir les forces soviétiques sans recourir à l’atome.

Très vite, l’Otan adopte une structure bicéphale, civile d’un côté, militaire de l’autre. Les grandes décisions sont prises lors de la réunion hebdomadaire du Conseil de l’Atlantique Nord, sous la présidence du secrétaire général*. Il est le seul organe de décision, doté d’une représentation politique et d’un pouvoir réel. Le Commandement allié des opérations, plus communément appelé Shape, dirige quant à lui l’aspect militaire, des quartiers généraux aux états-majors interarmés. Une vingtaine d’autres acteurs gravitent également autour de l’Otan, dédiés au soutien de son commandement politique et militaire (par exemple, le NURC qui s’occupe des recherches sous-marines). Avec à ses pieds, des fondations solides, et à sa tête, douze des plus grandes démocraties, l’Otan fait naître des espoirs de paix. Elle tombe à pic dans la Guerre Froide, et s’en tire sans vider une seule cartouche.

 

Grandeur et décadence

Les futurs évènements historiques vont toutefois changer la donne, obligeant l’Otan à s’adapter. Pas sans difficultés. Des crises majeures vont remettre en question les fondements même de l’alliance. A commencer par 1989. Chute du mur de Berlin, et avec lui, l’effondrement du monde soviétique. L’Ouest est vainqueur. Plus d’URSS, plus de satellites environnants. Plus de pacte de Varsovie. Se pose alors une question essentielle : l’Otan peut-elle survivre aux conditions historiques de sa naissance ? Pourtant, l’alliance poursuit son élan. On note même qu’elle s’élargit doublement. Depuis la fin de l’affrontement Est-Ouest, elle voit augmenter à la fois le nombre de ses membres et l’étendue de ses missions sur l’ensemble de la planète.

D’abord sur le plan quantitatif, l’Otan va développer ses relations diplomatiques, ouvrant la porte à quatorze nouveaux pays. En 1990, les Peco (Pays d’Europe centrales et orientales) intègrent le commandement armé. Neuf ans plus tard, c’est au tour de la Pologne, de la Hongrie et de la République Tchèque, très vite rejoins par sept autres Etats devenus membres lors du sommet de Prague en 2002. Au total, ils sont 26. Seuls doivent encore attendre l’Albanie, la Croatie et la Macédoine, laissés sur le pas de la porte. Déjà, les critiques fusent. Les pays hostiles à l’extension de l’Otan reprochent aux Etats-Unis de tirer profit de cet élargissement quantitatif. Serait-ce là un moyen de marginaliser un peu plus ceux qui s’opposent à l’ouverture des ses missions ?

Le second élargissement de l’organisation, l’extension de sa zone d’activité, ne va pas sans poser de problèmes. Combats du terrorisme en Afghanistan, convois humanitaires après l’ouragan Katrina, tentatives de stabilisation du conflit au Kosovo, formation de forces de sécurité en Iraq ... Il ne s'agit plus seulement de protéger les différents membres de l'Alliance d'une agression : l'Otan doit désormais être prête à contrôler les crises majeures sur toute la Terre. Ce concept, affirmé solennellement à l'occasion de la commémoration du cinquantenaire de l'Alliance, en 1999 à Washington, a été renforcé à la suite des attentats du 11 septembre 2001 et encore lors du récent sommet de Prague. La déclaration finale stipule en effet : « L'Otan doit pouvoir aligner des forces capables de se déployer rapidement partout où elles sont nécessaires [...], de mener des actions à longue distance et dans la durée. En outre, les Alliés affirment entériner « le concept militaire agréé de défense contre le terrorisme ». Depuis cette nouvelle définition des objectifs, les opinions divergent. Les capacités militaires de l’Europe font débat. La Force européenne de réaction rapide (FERR) à l’initiative de l’UE poursuit en parallèle la même vocation que la Force de réaction de l’Otan (FRO). Sachant de plus que certains pays d’Europe ont des moyens militaires trop insuffisants, en deçà des 10 milliards d’euros. Le fossé alors se creuse entre les « grands » et les « petits » pays.  Ce qui provoque des confrontations, au sein même de l’Otan. Les membres se divisent, pouvant conduire jusqu’au retrait de l’un d’entre-eux. On se souvient encore du cas de la France en 1966. 

 

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Divergences otaniennes

Depuis le sommet de Bucarest en avril dernier, une réforme de l’Otan est jugée nécessaire pour la majorité des membres. La tendance se dessine entre ceux qui veulent une « Global Nato » à l’américaine, qui associe partenariat et politique d’élargissement ; et ceux qui ne veulent pas d’un Otan « couteau suisse, un outil multifonction que l’on utilise partout et pour tout» pour reprendre l’expression d’un diplomate français. Aujourd’hui, la mission en Afghanistan est vécue comme un véritable test pour l’Otan. Contrôler la cohésion des décisions et la coordination des actions. Depuis le renversement des talibans fin 2001, plus de 1 000 militaires étrangers ont perdu la vie sur le sol afghan, dont 27 Français, 25 Espagnols et une centaine de Canadiens. Avec tous ces morts sur la conscience, l’épreuve ne semble pas encore réussie.

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Merlin malin
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