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Merlin malin
27 décembre 2008

La guerre sans fin du Kivu

Tueries, pillages, viols, combats à l’arme lourde, recrutement d’enfants-soldats, 13congo_slide8contrebandes, exécutions quotidiennes, nettoyage ethnique. La guerre qui fait rage dans la province du Kivu est considérée comme la plus meurtrière depuis la Seconde Guerre Mondiale. La reprise des affrontements en octobre 2008 a provoqué le déplacement de près de 200 000 personnes qui fuient les routes, leurs maisons sur le dos. Des centaines de milliers d’autres demeurent encore prises au piège. Tout est en place pour une nouvelle catastrophe humanitaire...dans l’indifférence générale.

 

La rébellion prend les devants

L’Afrique des Grands Lacs est le foyer mal éteint d’un conflit qui a déjà fait plusieurs millions de morts et des centaines de milliers de réfugiés. Depuis peu, le feu s’est rallumé, menaçant d’embraser toute la région. Plusieurs accords de paix ont vainement tenté de mettre un terme à la guerre qui s’éternise, le dernier date de janvier 2008. Malgré ces tentatives, de violents combats ont repris dans l’épicentre de la crise, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), dans la région du Nord-Kivu, frontalière du Rwanda.

Les regards se tournent en ce moment sur Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. Elle est le théâtre d’une bataille sans merci entre les forces composites du gouvernement congolais de Kinshasa (situé à plus de 1 500 kilomètres de là), et les rebelles tutsis congolais du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), secrètement soutenu par le Rwanda tout proche. Le 3 décembre dernier, les forces rebelles tutsies ont mis en déroute l’armée gouvernementale, obligée de se retrancher dans le Sud-Kivu. Elles ne veulent pas pour autant brûler les étapes. Un cessez-le-feu est décrété dans la ville, et la rébellion continue de sévir aux abords des portes de Goma, dans les villages de Kimoka, Sake et Nyanzale. Elle entend étendre sa zone d’influence, pour mieux y infiltrer des frères rwandais voisins.

La rébellion est dirigée par le général Laurent Nkunda, un Tusti congolais natif du Rwanda, qui a combattu les Hutus génocidaires aux côtés de l’actuel président du Rwanda, Paul Kagame, lui aussi Tutsi. Le général réclame des négociations directes avec Kinshasa, capitale de la RDC, sous peine de marcher sur la ville. De fait, il méprise toute autre réunion nationale sur la crise, qu’il considère comme « un sommet de plus ». Choquée, la communauté internationale réagit immédiatement, provoquant une internationalisation du conflit. L’ONU envoie alors ses casques bleus en renfort.

 

L’ONU impuissante

Malgré un déploiement de 17 000 soldats et un solide mandat qui l’autorise à employer la force, la Monuc n’arrive pas à tenir sa promesse d’un avenir de paix. La Mission des Nations unies en République démocratique du Congo n’a pas réussi à défendre la capitale provinciale, après avoir laissé la guérilla gagner du terrain. La Monuc est la plus grande opération armée menée par l’ONU sur la planète, mais elle apparaît bancale, souffrant de grandes difficultés. Elle est dispersée dans une région aux montagnes escarpées, s’embourbe dans de lourdes procédures typiquement onusiennes, et se compose de soldats souvent peu formés. Certains sont parfois originaires de pays rivaux (comme l’Inde et le Pakistan), d’autres préfèrent participer aux pillages de métaux précieux plutôt que de repousser la rébellion menaçante. Résultat : une armée de bric et de broc, formée à grand renforts d’argent et d’instructeurs étrangers, qui court droit au fiasco.

 

Une horreur qui rapportelaurant_nkunda

Le conflit trouve ses origines dans le génocide du Rwanda perpétré en 1994, lorsque les Rwandais Hutu des Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), ont trouvé refuge dans le Kivu voisin. Depuis, le CNDP de Laurent Nkunda accuse les autorités de Kinshasa de ne pas désarmer, voire d’abriter et d’être alliées à ces soldats, dont beaucoup sont coupables d’avoir participé au génocide des Tutsis (800 000 morts). Officiellement, c’est donc contre ces « génocidaires » que se bat la rébellion, pour venger la minorité tutsie du Congo. Bien entraînés et bénéficiant d’équipements militaires modernes, les quelques milliers de rebelles obéissent au doigt et à l’œil de leur général Nkunda, se livrant à un série de massacres. Malgré les démentis de Kigali, le CNDP demeure son bras armé dans l’est de la RDC. Même si le Rwanda a renoncé à annexer la province, il considère la région comme faisant partie de sa zone d’influence. Les richesses minières qu’elle recèle garantissent également une bonne part de l’expansion économique du pays.

Face aux insurgés, l’armée du gouvernement congolais fait grise mine. Quoique plus nombreuse et amie des groupes ethniques locaux (Maï-Maï et Rastas), elle s’est rapidement éclipsée devant l’offensive rebelle. Postée à des centaines de kilomètres de Kinshasa, cette force disparate tente de se reconstruire, en proie à des dissensions internes. Elle passe aussi beaucoup de son temps à piller les ressources naturelles de la province, qui regorge de bois et de minerais précieux. Une fois extraits à la sueur des civils, parfois même des enfants, les minéraux transitent via l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi frontaliers. Au-delà des luttes politiques et ethniques, cette bataille des richesses est l’une des racines les plus profondes de ce sanglant conflit. S’est mise en place une véritable « économie de guerre », qui enrichit les chefs militaires locaux, gouvernementaux, les pays voisins, parfois ennemis, souvent complices. Dans ces conditions, on comprend qu’à part une population pauvre et désarmée, une paix durable n’aurait d’intérêt pour personne d’autre.

 

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Merlin malin
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